Dispositif d’un atelier

Appréhender le monde avec un autre regard, l’aiguiser.
Débroussailler la pensée, dégager le sensible profond.
Relier les mondes imaginaires au réel,
laisser des traces, écouter avec délicatesse le déclic.
Se découvrir soi-même et les autres dans un esprit
bienveillant et convivial.
C’est ce dispositif mis en place dans un
atelier d’écriture qui fait émerger
l’écriture créative, fictionnelle ou
autobiographique, par le biais de
l’observation de photographies.
En groupe, on regarde,
on écrit, on lit, on échange.
Par la médiation de textes littéraires,
on expérimente, on ose,
on tente de trouver son écriture,
sa petite musique intérieure.

Références & expériences d’atelier

    • Lectoure Centre d’art et de photographie

    • Institut du monde arabe

    • The American Library in Paris

  • Aleph-écriture

Un tas de cartes postales sur la table, des reproductions de photographies. Un groupe de sept adultes, chacun pioche dans le tas et choisit quelques images. L’image est un fantastique déclencheur d’écriture. Au démarrage de l’atelier, l’objet photo crée une distance, installe une atmosphère détendue, c’est amusant, on observe, on est attiré par des formes, des couleurs, on manipule les cartes; les participants se lèvent, circulent, discutent entre eux. Puis vient le temps d’écrire et la photographie n’est plus qu’un simple objet. C’est un prétexte à aborder quelque chose de sensible qui mène à la vie émotionnelle. On réalise que le choix instinctif de telle ou telle autre photo a un sens qu’il s’agit de mettre au jour. Le silence s’installe. Lorsque le temps donné est écoulé chaque participant agence son montage sur un support destiné à être épinglé au mur. On arrange les mots et les photos puis chacun découvrira le travail des autres, accroché au mur, en se promenant comme dans une exposition. A la fin des trois jours d’atelier, un participant nous montre les photos qu’il a prises de nous tous, en différentes situations, à notre insu…

Un autre groupe de huit personnes. A la manière de l’artiste Sophie Calle qui joue et se joue de la véracité de la photographie, je demande au groupe d’imiter cette posture, de sortir dans la rue, de suivre un passant pendant dix minutes et le photographier à son insu. Chercher la bonne distance, jusqu’où s’approcher ? le photographier de dos ou tenter le visage ? Lui adresser la parole, engager une discussion ? Au retour, les participants ont hâte de raconter cette aventure qui rappelle sans doute des moments de l’enfance où transgresser avait un goût de liberté. Temps d’écriture : qui est ce passant, ne pas décrire ce qui est représenté sur l’image mais emporter son texte vers un hors champ ; c’est dans cette dimension que l’on puise des éléments révélateurs, qui, connectés à l’image, créent un impact, une constellation, une nouvelle façon de regarder, un point de vue singulier.

  • Maison des écrivains-L’ami littéraire
  • La Villette

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  • Maison d’arrêt de Meaux

Les sons. C’est cela qui frappe d’abord en prison. Le bruit des sas, des grilles. Les trousseaux de clés des gardiens. Le bruit claquant des matraques sur les barreaux. Geste répétitif imposé par le règlement, pour vérifier leur solidité. Il neige ce jour là et j’ai pris le train gare du Nord pour une heure de trajet. Les voies gelées nous arrêtent dans la campagne pendant trois quart d’heure. Cette attente dans ce paysage gris est comme mon attente entre deux sas. Arrivée à destination, 8 heures du matin. Mon interlocuteur m’avait prévenue, il faut arriver tôt, le temps n’a pas la même dimension en prison. C’est long d’ouvrir des portes, de les refermer à clés, il y en a tant, de passer par le service de sécurité, de s’identifier pour le registre des allées et venues. A la gare d’arrivée, il faut encore prendre un bus, la prison est éloignée du centre de la ville, et comme il neige, l’attendre longtemps. Cette attente me traverse jusqu’à influencer mon état d’esprit, comme si j’étais moi aussi dans un lieu hors du temps.

Une fois les formalités accomplies, on me conduit dans la salle réservée aux activités culturelles. Là encore, il faut s’armer de patience, attendre que le gardien aille chercher un à un les participants à l’atelier. Mon groupe réuni, me voilà face à onze hommes. Le gardien referme la porte à clé. Me voilà enfermée avec eux.

Première séance, sur un atelier de cinq séances. Un homme, 25 ans peut-être, décrit un trajet vers une ferme, juste quelque mots, son trajet s’interromps, les mots et les larmes coincés dans la gorge. Son voisin l’encourage, il poursuit : « Je suis en panne avec ma voiture je pourrais demander de l’aide pour m’aider mais il y a un portail ».
La prison c’est aussi des barreaux dans la tête. Marqué comme au fer rouge.
Un autre prend la relève, lit ,d’un ton enjoué, son texte intitulé un gentelman en sursis : « Un jour si je deviens riche j’achèterai une Ferrari rouge, une Bentley blanche et une Mercedes noire » ; et poursuit , sous forme d’adresse: « Toi jeune homme bien habillé et élégant avec un regard intellectuel, j’aimerais bien être comme toi, libre en costume de cérémonie. »
On entend une mélodie agréable dans une salle adjacente. Et cet autre détenu qui s’est avéré dilettante et énervé, toujours prêt à en découdre avec moi tout au long de la semaine, prend soudain au sérieux son texte. Moi qui n’ai rien fait de ma vie, dit-il en brandissant sa feuille, je l’enverrai à mes parents, ils constateront que j’ai au moins écrit ça, puis il lit : « Le navire qui coule est ma vie qui bascule je me suis retrouvé comme le bunker je suis gravé en rouge carré et le seul ».

Je suis sensibilisée au thème de l’exil sous toutes ses formes, la marginalisation: ce que la ville relègue au bord de ses normes.
La lecture du livre de Michel Foucault “Surveiller et punir” , étudiante, m’a fortement impressionnée et amenée à questionner toutes les formes d’enfermement. Mon activité d’animatrice d’écriture créative rejoint l’envie d’accompagner des écrivants à dire une parole intime et à la faire circuler dans le groupe. La parole des détenus n’est pas audible dans l’espace public et il me tient à coeur de l’écouter et la faire émerger, ouvrir une fenêtre qui laisse entrer l’air. Mais mon questionnement ne fait que commencer à la fin de cet atelier : qu’est-ce que ça remue en moi ? de plus profond ?

  • Bibliothèque Orientale de Beyrouth

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  • Rencontres photographiques du 10ème arrt

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  • Lycée d’apprentis Paris 4ème

Trois rangées de bancs, élèves à droite, élèves à gauche, et personne dans la rangée du milieu. Je fais remarquer à la classe, ces quinze garçons de 18-20 ans, que c’est vide en face de moi, l’un d’eux ose: “C’est normal, ceux qui se risquent à cette place, en face du prof, ils sucent des b…!”. Ça commence bien! je suis quelque peu désarçonnée. Je ne suis pas prof aujourd’hui, je vous propose un atelier d’écriture, vous allez composer un roman-photo, il n’y a pas de notes, pas de bonne ou mauvaise copie. Ils ont l’air perplexes. Tant habitués au scolaire, à ne pas faire de fautes d’orthographe. Je n’ai jamais aimé ce mot de faute. On devrait dire: erreurs d’orthographe. On discute de l’héroïsme, qu’est ce qu’un héros, quel personnage de livre ou de bande dessinée vous séduit. L’un d’eux réplique: “moi mon héros c’est Rocco!” Et tout le groupe de pouffer de rire. Je dois en une fraction de seconde me décider, réagir ou faire semblant de ne pas comprendre. Je me lance: “Ah, vous parlez de cet acteur porno?”. Ils en restent bouche bée. Ils vont peut-être m’écouter maintenant au lieu de chercher à me chahuter et me déstabiliser. L’un d’eux me parle d’un personnage de série télé dont je n’ai jamais entendu parler vu que je n’ai pas la télé. “Quoi, vous n’avez pas de télé? c’est impossible!” et voilà le groupe qui repart en vrille, ils veulent me convaincre d’acheter une télé, certains ont des contacts avec des revendeurs, du matériel volé, ils pourraient m’en avoir une pour pas cher. Puis à nouveau brouhaha dans la salle où fusent des commentaires à connotations sexuelles qui les font mourir de rire. J’arrive toutefois à distribuer à chacun ma série de vignettes photos, les mêmes pour tous. Vous allez imaginer un ordre à ces photos, les disposer comme dans une bande dessinée et sous chaque vignette, raconter votre histoire. Colle, ciseaux et feuille A3. Enfin le calme s’installe. Le découpage occupe les mains et par ricochet l’esprit. L’un d’eux, au mystérieux prénom de Wandrille, et son voisin Benjamin, féru de cinéma, qui habite si loin et s’est levé à 5 heures du matin, seront les plus impliqués et leur travail abouti ; eux dont la syntaxe hâchée, est incompréhensible dans une rédaction scolaire.
Aboubakra me demande ce que veut dire « campagne »…

  • Maison de retraite Arepa

A chacun son regard…
Douze femmes, moyenne d’âge : soixante dix ans. Je propose d’écrire autour d’une photo qui représente pour moi un conflit évident entre une dame âgée et un ouvrier peintre. Les deux personnages semblent s’empoigner. Se peut-il que le pinceau soit l’enjeu ? Le mur n’est peint qu’à moitié. Pas une seule participante n’a vu cela. Toutes sans exception ont décrit une dame gentille voulant aider un ouvrier maladroit.